La négociation culturelle paramétrique au cœur de la mondialisation

OPINIONS
28/10/2010,
Bahjat RIZK

Beaucoup de brillants textes et d’analyses ont été publiés autour de la visite du président iranien au Liban, du synode des catholiques orientaux à Rome, de l’impasse institutionnelle devenue chronique en Belgique, du constat d’échec public et retentissant du multiculturalisme en Allemagne par la chancelière allemande et même de l’actualité sociale en France, rattrapée et débordée par le phénomène, désormais récurrent, des casseurs de banlieue. Des livres de recherches ont été également publiés dans ce domaine par des spécialistes identifiés, notamment celui d’Hervé Lagrange (CNRS) sur le déni des cultures et celui de Thilo Sarrazin (Banque centrale et ténor du Parti social-démocrate) intitulé L’Allemagne court à sa perte. En parallèle, nous avons eu la déclaration du président de la République allemande affirmant que « l’islam fait partie de l’Allemagne » (double discours au sommet de l’État allemand), le double discours du président Ahmadinejad au Liban (entre Baabda et la banlieue) et l’appui du président turc à la chancelière, concernant l’apprentissage sans accent, par les immigrés turcs, de la langue allemande. Sans oublier cette année les cinquante années d’indépendance des pays africains francophones, les quarante années de la francophonie (avec la tenue du XIIIe sommet à Montreux) et bientôt les soixante-dix ans du Commonwealth. Tous ces évènements culturels et politiques, parfois contradictoires, semblent n’avoir pas de lien entre eux, mais en réalité se retrouvent articulés autour de la même problématique de la diversité culturelle, un des principaux enjeux de la mondialisation en ce début du XXIe siècle.

En effet, qu’il s’agisse du Liban ou de la Belgique, nous avons l’exemple de diversité culturelle structurante (à la base de l’existence de ces deux entités pluriculturelles, l’une religieuse, l’autre linguistique), et qu’il s’agisse de l’Iran ou de l’Allemagne, nous avons deux cas d’États nations revendiqués et de réminiscences impériales, en dépit de conflits violents, tant au niveau de l’histoire antique que de l’histoire contemporaine. Quant au synode pour les minorités catholiques en Orient, il ne peut que nous renvoyer à la problématique parallèle des minorités musulmanes aujourd’hui en Occident. La chancelière allemande ne s’est d’ailleurs pas privée de rappeler la tradition culturelle chrétienne de l’Allemagne (et par extension celle de l’Europe), le paramètre linguistique ayant paradoxalement reçu, presque immédiatement, l’aval du président turc. Le paramètre des mœurs (société patriarcale, société démocratique, libertés collectives et libertés individuelles) demeure, lui, le principal décalage entre l’Orient et l’Occident, et même parfois au sein de l’Occident (Europe du Nord et Europe du Sud, celle de l’Ouest et celle de l’Est). Les Allemands eux-mêmes s’étaient d’ailleurs proposés de racheter, par dérision ou par dépit, des îles grecques lors de la grave crise économique grecque, d’où la négociation, au sommet tripartite récent de Deauville, du pacte de stabilité avec la France et du bouclier nucléaire avec la Russie. Par ailleurs, la crise récente de la France avec Bruxelles, concernant les Roms (populations nomades bulgares er roumaines), semble pour le moment apaisée. Tous ces détails et ces incidents répétés ne sont cohérents que s’ils sont mis en perspective dans un processus de négociation globale ,de structuration identitaire qui regroupe de manière variable des éléments constants, non modifiables, à savoir : la religion, la langue, la race et les mœurs (paramètres d’Hérodote). Ainsi, il me semble que la diversité culturelle n’est en elle-même ni un bienfait ni un handicap, mais qu’elle obéit à un processus de négociation devenu indispensable avec la mondialisation et qui peut, selon le désir (identification affective) ou l’intérêt (identification rationnelle), soit aboutir, soit échouer. Il ne s’agit donc pas de se prononcer uniquement, à un niveau humaniste et moral, sur le sujet (souvent en décalage avec la réalité), mais d’évaluer la viabilité d’une telle expérience en fonction de critères objectifs et constants de négociation.

Nous demeurons en quête d’un cadre référentiel qui, en établissant la légitimité et la validité quasi scientifique (par l’observation continue et la vérification à travers le temps et l’espace), ouvre la possibilité de la relativité et de la négociation, propres à toute construction culturelle humaine afin d’éviter, avec l’universalisme (aspect positif), l’essentialisme idéologique (aspect négatif).

Cette tentative de rationalisation, tant au niveau des pays pluriculturels qu’au niveau des États-nations, tant au niveau des minorités qu’au niveau des grands ensemble, est vitale pour l’appréhension et le réaménagement d’un espace global, cohérent et pacifié, bouleversé par le développement des moyens de communication et par la mondialisation.

Source: L’Orient Le Jour

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